Lorsqu’un proche disparaît, reprendre une vie normale parait impossible. Parfois, on repousse même ce retour à la vie pour laisser plus de place à la souffrance. En réalité, la restructuration est déjà en germe dans les phases les plus douloureuses du deuil, et on ne se rend souvent même pas compte qu’elle a commencé.
Tout réapprendre
Pendant cette étape de reconstruction, il faut tout réapprendre. Si on a perdu son conjoint, ce sont l’éducation des enfants, l’organisation de la vie quotidienne et la gestion des finances qu’il faut repenser. Dans cette redistribution des rôles, il faut prendre garde de ne pas faire peser de charges trop lourdes sur les épaules des enfants et de transformer une petite fille en « femme » de la maison. La redéfinition s’effectue également à l’extérieur du foyer. On n’est plus « l’époux de x » ou la « maman de y », puisqu’ils ont disparu, et il faut trouver sa nouvelle place dans la société tout en affrontant les regards et les questions. Tout cela nécessite beaucoup de courage et d’énergie, d’autant plus que le chemin de la reconstruction est semé d’embûches.
Le manque de confiance en soi
Le manque de confiance en soi est un des obstacles les plus fréquents ; il s’est imposé pendant le deuil, et ne repart que difficilement. Pour entamer une nouvelle relation amoureuse, il faut donc se réconcilier avec soi-même et sortir peu à peu de la dépression dans laquelle le deuil nous a plongé. Il faut aussi s’autoriser à aller de l’avant et à être heureux, ce qui est souvent loin d’être évident. Le manque de confiance en soi est ainsi en général accompagné de culpabilité : on se sent coupable d’avoir échappé à la mort lors d’un accident ou d’une catastrophe, coupable de ne pas avoir été celui qui est tombé malade, ou coupable, de façon particulièrement intense, du suicide d’un proche. Il est également difficile d’admettre le soulagement que l’on a ressenti lorsque le décès intervient après une longue maladie ou des suites d’une addiction, et de faire sens de ces sentiments contradictoires.
On en vient, lorsque l’on se dit que l’on ne mérite pas d’être en vie, à s’interdire toute perspective de bonheur et à ne plus profiter de l’existence. On considère que connaître à nouveau l’amour ou avoir un nouvel enfant serait une trahison, et que l’affection que l’on portait au disparu ne peut se mesurer que par l’intensité et la durée de notre douleur. On reste donc dans la souffrance plutôt que de se remettre à vivre. La culpabilité permet alors de conserver un lien avec le disparu, un lien dont on a terriblement besoin. Autant dire qu’il s’agit d’un piège, puisque la mort a, de toute façon, anéanti toute possibilité d’infidélité. Parfois, on a besoin de l’autorisation de son entourage pour reprendre une vie normale. Parfois, la culpabilité s’atténue avec le temps, et on se rend compte que vivre une nouvelle relation ne signifie pas ne plus être triste à cause de la disparition de son ancienne compagne ou compagnon : même si la cicatrice ne s’effacera jamais, de nouvelles joies sont possibles.
Image: Flickr Creative Commons/Vinoth Chandar