Des mosaïstes romains à Picasso en passant par les sculpteurs et les peintres de la Renaissance, le memento mori a inspiré de nombreux artistes. Apparu dans l’Antiquité, ce genre a pour fonction de rappeler à l’homme sa mortalité. « Memento mori, souviens-toi que tu vas mourir », nous répètent ainsi ces œuvres qui affirment le pouvoir de la mort tout en nous rappelant que, même si nous ne pouvons pas maitriser notre destin, il nous faut profiter de la vie maintenant.
Des formes très diverses
Les memento mori peuvent prendre des formes très diverses, mais un élément y est omniprésent : le crâne, symbole universel de la mort. Dans l’antiquité, on le voyait bien souvent sur les mosaïques qui ornaient les maisons, comme celle, retrouvée dans une demeure de Pompéi, qui le représente aux côtés d’un papillon, emblème de l’âme. L’art chrétien a été tout particulièrement fasciné par les memento mori ; au Moyen-âge, on aimait ainsi les danses macabres, des peintures mêlant morts et vivants, riches et pauvres, qui rappelaient l’inutilité du pouvoir et de l’argent face à la mort.
Pendant la Renaissance, les memento mori se multiplient avec les transis, ces sculptures qui ornaient les tombes et représentaient les corps des défunts. Le fameux Transi de René de Chalon signé par Ligier-Richier, un squelette décharné tenant son cœur dans une main, est une des œuvres les plus emblématiques de ce mouvement. En peinture, les memento mori célèbrent les valeurs de l’humanisme, et se déclinent sous la forme de portraits qui juxtaposent vie et mort, comme Les Ambassadeurs de Hans Holbein le Jeune et son anamorphose de crâne humain. On peignait aussi des vanités, des natures mortes montrant des crânes posés à côté d’objets lourds de symbolisme, vases, sabliers, bougies, livres, instruments de musique et couronnes de lauriers. Outre-Atlantique, les memento mori ont inspiré les artistes puritains des jeunes Etats-Unis, et ils sont encore bien vivants aujourd’hui dans l’art funéraire mexicain.
Une illustration pour un éloge funèbre
Les memento mori peuvent tout à fait servir d’illustration à une cérémonie ou à un éloge funèbre. Comme la musique, la poésie ou la prose, ils introduisent une dimension esthétique appréciable, surtout si le défunt était un amoureux de l’art. En nous invitant à la réflexion et à la contemplation, ces images permettent de sublimer la douleur de la mort et de lui donner un sens. Certains memento mori sont pleins de sérénité, comme La Madeleine à la veilleuse de Georges de la Tour, qui représente Marie-Madeleine au faite de sa beauté, la main appuyée sur un crâne, ou l’autoportrait du peintre américain puritain Thomas Smith. D’autres sont plus flamboyants, à l’image du crâne coloré signé par Niki de Saint-Phalle, qui semble se moquer à la fois des morts et des vivants en riant de ses dents d’argent.
Les memento mori peuvent également apporter du réconfort aux personnes très malades, ou proches de malades. En effet, si ces œuvres sont avant tout des avertissements, elles peuvent aussi être vues comme des invitations à profiter de la vie. Quelque part, le « carpe diem », le « cueille le jour » du poète latin Horace, n’est pas très loin du « souviens-toi que tu vas mourir » ; lorsque la mort rôde, le memento mori permet de retrouver un équilibre et nous rappelle la beauté de la vie.
Image: Flickr Creative Commons/seriykotik1970